27 oct. 2006

Ressusciter une marque : Jean Patou

J'ai parlé de la stratégie de montée en gamme des grandes marques de cosmétique. Un article du Figaro consacré à la renaissance de la marque Jean Patou confirme que se hisser vers le haut de gamme est aussi la voie du salut pour bon nombre de marques plus confidentielles.

Un grand nom en déclin

Jean Patou en est un exemple typique : créée en 1910, la haute couture a cessé son activité en 1987. Mais les parfums Jean Patou (1000, Sublime…) subsistaient et vivotaient, autour du mythique Joy, connu comme "le parfum de plus cher du monde", lancé en 1930 comme antidote à la crise. L'histoire des parfums Jean Patou est émaillée de créations légendaires : l'Huile de Chaldée, première huile solaire, Normandie lancé pour l'inauguration du célébre paquebot, Vacances créé en 1936 pour les premiers congés payés, L'Heure Attendue en 1945 qui célèbre la fin de la guerre. Jean Patou détenait également la licence des parfums Lacoste.

Le lessivier Procter & Gamble, désireux d'accroître son activité parfum, a compris le potentiel de Lacoste et racheté Patou en 2001. Patou est alors vu comme une petite marque comme les autres, mais avec une renommée à rentabiliser, et en 2003, le parfum Enjoy est lancé, sans grand succès. Une revente est même envisagée.

Small is beautiful : la renaissance

Aujourd'hui, Jean Patou a été repositionnée comme une marque de niche, mais (paradoxalement ?) ses ventes ont doublé en cinq ans, portées par une stratégie de montée en gamme qui a porté ses fruits et rendu son prestige à la marque. Cette sélectivité s'incarne dans le dernier parfum de la marque, Sira des Indes, un lancement très qualitatif riche d'une très belle histoire. Le nombre de points de vente des parfums Jean Patou a été divisé par deux, et même par quatre en France. Un lieu d'exception à Paris accueille désormais les collections de parfum. Un service de fragrance sur mesure est proposé pour la modique somme de 50 000 euros. Jean Patou emploie d'ailleurs son propre "nez" maison, Jean-Michel Duriez, ce qui reste un cas rare (en savoir plus sur les "nez" des maisons de parfum).

C'est toute l'intelligence des équipes Procter & Gamble d'avoir su laisser Jean Patou exprimer sa différence, et par là même son potentiel, dans un portefeuille de marques de parfum aux stratégies très proches les unes des autres, parfois très grand public. Cette différence, c'est par le haut de gamme qu'elle devait s'épanouir. A voir si d'autres belles marques du groupe, qui ont connu les mêmes aléas stratégiques, vont expérimenter une montée en gamme : on pense en particulier à Rochas ou Valentino, chahutées ces dernières années, qui mériteraient le même traitement.

Crédit photo : Jean Patou

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