30 mai 2008

Au 2e semestre, place aux hommes ?

C'est la loi de l'alternance : alors que le second semestre 2007 a vu une série de grands lancements de parfums féminins (sans grand succès d'ailleurs, trop de nouveautés tuant la nouveautés...), un an plus tard, la période s'annonce particulièrement riche en lancements masculins.


A commencer par le groupe LVMH qui fait feu de tout bois : Dior a annoncé un nouveau masculin représenté par Jude Law; Givenchy prévoit deux masculins (!), l'un héritier du classique Pi sous le nom de Pi Néo (univers très matrix), l'autre mettant en scène Justin Timberlake; Guerlain sera dans la course avec Guerlain Homme et Kenzo avec Kenzo Power... Les autres groupes ne sont pas en reste : Puig avec Paco Rabanne s'offrira 1 Million, dont le flacon représentera un lingot d'or, Inter Parfums séduira les surfers avec Quiksilver, Jennifer Lopez se fera désirer avec Deseo for men, Armani jouera Diamonds for men avec Josh Hartnett, Cartier sera présent avec Roadster, Azzaro fera ses premiers pas sous licence Porsche Design avec The Essence... Une série impressionnante de lancements sur un segment relativement étroit, alors que les féminins se font pour le moment discrets.


Comment s'explique ce phénomène ?

Certes, il y a l'alternance : la plupart de ses marques ont effectivement été actives côté féminins en 2007 et, ne pouvant enchainer si rapidement les lancements sur un même segment, elles mettent naturellement l'accent sur l'autre versant du marché.

Deuxième explication : si les nouveautés féminines ont du mal à percer et à s'installer ces derniers temps, laissant les classiques les meilleures places, côté masculins, à l'inverse, plusieurs succès récents tendent à montrer que le marché est plus ouvert : Terre d'Hermès et L'Homme Yves Saint-Laurent en 2006, Fuel for Life en 2007, pour ne citer qu'eux...

Troisième explication : après le succès de Terre d'Hermès, lancé au premier semestre 2006 sans concurrents simultanés, beaucoup de marques ont voulu répliquer le principe au premier semestre 2007 avec un masculin. Résultat : une flopée de lancements dont quasiment aucun n'a obtenu les résultats escomptés. Certaines marques ont peut-être préféré décalé des lancements prévus au premier semestre 2008 pour éviter un nouvel embouteillage... Mauvais calcul semble--il, l'embouteillage s'est simplement déplacé.

Pour autant, faut-il se réjouir de ces nombreux lancements concentrés sur une même période ? Le marché très encombré n'offrira pas le succès espéré à toutes ces nouveautés. Certains seront déçus... et peut-être tous !

Source photos ici

14 mai 2008

On n'a rien sans rien...

«Pour Noël / ton anniversaire, qu’est-ce qui te ferait plaisir ?» «Bof, rien…». Agaçant, non ? Nos amis britanniques ont trouvé la solution : rien s’achète, et s’offre. L’objet, baptisé Nothing, est une bulle en plastique totalement vide collée sur une carte imprimée. Impalpable, insaisissable, intangible : non, rien. Et rien se vend, au prix de 4.99 euros : tout le détail ici.

Comment élit-on le prix de ‘rien’ ? Il y a la valeur d’usage (ici : zéro !) et la valeur conférée par celui qui l’achète, prêt à y mettre 4.99 euros de plus. La différence : un concept marketing. Cela s’applique évidemment à tous les types de produits ou de service : il y a toujours une valeur d’usage de base, puis la valeur ajoutée marketing qui permet d’atteindre le prix final. En un sens, une entreprise comme Danone s’est spécialisée dans des produits a priori à valeur d’usage faible (eau, yaourt) et à leur conférer, par l’univers qu’elle crée autour de ces produits, une valeur finale élevée en comparaison.

Cela renvoie justement aux parfums, maquillage et soins, particulièrement ceux des marques les plus haut de gamme. La valeur d’usage peut être relativement similaire à celle de produits moins chers, et le mix marketing est là pour concrétiser la valeur ajoutée. Il ne faut cependant pas penser immédiatement à une manœuvre plus ou moins malhonnête : si on a immédiatement en tête des éléments ‘irrationnels’ du mix (image de marque, visuel publicitaire, esthétique du packaging, noblesse proclamée des ingrédients etc…), celui-ci peut également jouer sur des éléments plus factuels : praticité et ergonomie du packaging, performance de la formule (facilité d’application et tenue du maquillage etc…).

Sauf à le considérer comme un pur imbécile, le consommateur juge aussi le produit sur ses qualités intrinsèque et ne lui reste fidèle dans la durée que si le service rendu lui parait à la hauteur du prix.

Source photo : ici

13 mai 2008

Believe in yourself ou believe in Britney ?

L’agence de com Internet Vanksen décrit sur son blog l’action Internet développée pour le lancement du nouveau parfum de Britney Spears, « Believe » : un site dédié en 5 langues et une action de buzz auprès de bloggeuses influentes en Italie, Grande-Bretagne, Suède et Espagne.

Comme pour toute marque de parfum de célébrité, toute la difficulté consiste à trouver suffisamment à dire sur la star : son univers, sa personnalité, ce que le public en perçoit, tout cela est-il suffisamment riche pour inspirer plusieurs parfums différents ?

LA STAR SAUCISSONNEE

Heureusement, toutes les marques suivent des schémas traditionnels, des bonnes recettes marketing qui ont fait leurs preuves lorsqu’il s’agit de découper un territoire de marque en plusieurs sous-territoires pour justifier l’existence de plusieurs parfums. Le premier parfum lancé a pour objectif d’exprimer, voire de démontrer et de justifier, ce que la marque a à apporter à l’univers du parfum. Dans le cas d’une star, il s’agit de montrer en quoi cette star est une pleine incarnation de la féminité dans ce qu’elle a de plus absolu, de mythique, en s’appuyant sur un trait de personnalité particulièrement saillant de la célébrité. C’est l’équivalent d’un N°5, d'un J’Adore, d'un Trésor qui (sans être nécessairement le premier lancement parfum de la marque) sont le pilier, l'incarnation première de Chanel, Dior et Lancôme) et plus généralement du type de féminité dont la marque est porteuse.

A partir de ce parfum central, il s’agit de décliner le territoire en différents thèmes par oppositions successives : plus ou moins extraverti, plus ou moins dans la séduction, plus ou moins sensuel, plus ou moins énergique etc… L’enjeu est de trouver des thèmes susceptibles d’intéresser un public plus large que le noyau de fans hystériques, trop peu nombreux pour faire d’un parfum un best-seller.

Prenons au hasard Jennifer Lopez, dont les (ô combien magnifiques !) parfums peuvent se segmenter de la manière suivante : GLOW = féminité mythique; puis décliné en GLOW AFTER DARK = séduction ; LIVE = énergie ; STILL = confiance en soi ; DESEO = sensualité.

Revenons à Britney. Le public auquel s’adresse les parfums (développés sous licence par Elisabeth Arden) est sans doute encore plus jeune que pour Jennifer Lopez, c’est sans doute pour cette raison que la phase féminité absolue est zappée au profit d’une entrée en matière directement par thématique : CURIOUS = audace / séduction, FANTASY = romantisme, BELIEVE = confiance en soi. Le thème de ce dernier parfum est donc de croire en soi, en ses rêves, en son potentiel…

CROIRE EN SOI, OU EN BRITNEY ?

Ce qui me frappe dans cette opération, c’est le glissement de sens entre le parfum d’origine et l’opération de com Internet. Damned, souhaiterait-on modifier le message si fort que Britney adresse au monde ?

En effet, il n’aura échappé à personne que l’actualité de Britney Spears ces derniers temps a plus fait la couverture des magazines pour des ragots que pour ses succès musicaux. Et toute l’opération semble tournée sur ce thème : DO YOU BELIEVE IN BRITNEY ? Il ne s’agit plus de croire en soi-même, c’est un « Britneython » destiné à recueillir des messages de soutien...

Et à mon sens, on retombe dans l’écueil cité plus haut : on ne s’adresse plus qu’aux fans de Britney, et non plus à ceux, plus nombreux, qui auraient pu être sensibles au message (sic) porté par le parfum. Volontaire ou involontaire, ce glissement de sens parait dangereux, car la cible est plus étroite.

Plus basiquement, le message de l'opération trahit, au lieu de transcender, celui du parfum. Or, on attend plutôt de ce type d'intiative qu'elle exprime fidèlement, voire enrichisse, le territoire initial.

Crédit photo : E Arden

5 mai 2008

Audrey Tautou, nouvelle égérie du N°5

La lignée des égéries du n°5 ne manque pas de charme, de Catherine Deneuve à Nicole Kidman, en passant par Carole Bouquet... sans oublier Coco Chanel elle-même, en son temps. Pour 2009, Cosmeticnews annonce que Chanel a choisi de miser sur la spontanéité et la fraicheur d'Audrey Tautou, sous la direction de son réalisateur fétiche Jean-Pierre Jeunet : le duo a connu une gloire internationale avec Amélie Poulain, notamment aux US. Or, si N°5 est un best-seller mondial, les Etats-Unis sont son marché pilier.

Bonne pioche à plus d'un titre : le N°5 va ainsi rappeler ses racines frenchie, encore et toujours synonymes de luxe et d'élégance mais passées sous silence ces dernières années par la communication avec Nicole Kidman, Tautou étant l'une des rares comédiennes françaises un peu connue outre-atlantique.

Quant au buzz, il répond aux mêmes règles que l'annonce de la collaboration avec Kidman il y a quelques années : très en amont, plus d'un an avant, quelques jours avant le festival de Cannes où le septième art (en France) sera à l'honneur, offrant une caisse de résonnance supplémentaire à l'annonce. Echo supplémentaire : Audrey Tautou va prochainement incarner Coco Chanel à l'écran, dans le biopic que lui consacre Anne Fontaine. La boucle est bouclée.

A part Chanel, aucune marque ne peut prétendre avoir ce même talent pour orchestrer ses lancements, créer l'évènement, donner du sens et de la cohérence à chaque annonce. Quand la nouvelle communication N°5 sera sur les écrans, tout le monde en aura déjà entendu parler, et chacun associera d'autant plus spontanément la pub et son message : efficacité maximale ! C'est tout l'art de donner constamment une actualité, une modernité à un parfum vieux de 87 ans...

Source photos : Osmoz / Doctissimo

1 mai 2008

Bloggueurs chouchoutés, journalistes délaissés ?

Journaliste beauté, un métier de rêve ? Un sujet agréable, des marques aux petits soins ? Il semble bien que cette réalité évolue... Bien sûr, une poignée de journalistes incontournables, ceux qui maîtrisent les rubriques beauté des magazines clé, ne seront jamais abandonnées par les marques. Mais la situation est bien différente pour les autres. C'est ce que rapporte ma "consoeur bloggeuse" de Café-Beauté dans une note.

Premier phénomène : les services de presse des marques tendent à restreindre les listings des journalistes professionnels auxquels ils adressent les infos sur les nouveautés. Il faut dire que tous les supports médias ont aujourd'hui une rubrique beauté, et qu'il faut pouvoir s'y retrouver dans la jungle des titres petits et grands, nationaux ou régionaux, installés ou éphèmères, sans compter la multitude de journalistes et de pigistes qui composent ou gravitent autour des rédactions. L'idée : concentrer les efforts sur les journaux pour lesquels le rendement est certain, du fait du tirage et du type de lectorat. En somme, les relations presse sont soumises à une logique proche de l'investissement pub classique.

Deuxième phénomène : l'ironie du sort, c'est qu'on peut être ignoré en tant que journaliste, et courtisé en tant que bloggeur ! Car à l'inverse, c'est tendance de choyer les bloggeurs, surtout les "blogs de fille" spécialisés beauté, de leur envoyer produits et infos...

Ce faisant, les marques jouent un jeu dangereux : est-il judicieux de ne pas établir de relations long terme avec une partie des journalistes professionnels, de se couper d'une partie du lectorat, de miser sur des blogs dont la pérennité n'est pas certaine, dont le sérieux n'est pas nécessairement établi...

Les journalistes, certainement, ont aussi leur part de responsabilité. Face à l'explosion du nombre de lancements, jouent-ils pleinement leur rôle pour guider les lecteurs vers les meilleurs produits (et non uniquement vers les marques qui ont fait les plus beaux évènements de lancement). Les bloggeurs rapportent leur expérience personnelle des produits : les journalistes démontrent-ils suffisamment leur expertise, leur supériorité, ou se calent-ils sur les infos que les marques leur communiquent ? Ne traitent-ils pas exclusivement des nouveautés, oubliant ainsi les produits sérieux, qui ont fait leur preuve et mérite d'être mis en avant au-delà de leurs trois premiers mois d'existence ? Cette remise en question me paraitrait salutaire, pour reprendre l'avantage sur les bloggeurs.

La crédibilité des journaux féminins est d'ailleurs un enjeu de taille. C'est la publicité des marques qui nourrit la presse féminine. Quelle impartialité possible dans ce contexte ? Articles et pubs semblent parfois étonnamment proches, complémentaires, voire difficile à distinguer pour la lectrice... Interdiction de critiquer ouvertement un produit, au mieux, on peut l'ignorer. @rrêt sur image, version web de feue l'émission de décryptage des médias, y a d'ailleurs consacré un plateau, dont les meilleures moments sont visibles ici.

Crédit video : Arrêt sur image ASI