28 janv. 2008

Sephora à la pointe des tendances beauté

Le concept Sephora continue d'être célébré comme l'un des plus novateurs et des plus performants dans l'industrie cosmétique, capable de " fonctionner avec succès en Asie, qui est un marché de soins, aux Etats-Unis, un marché de make-up, et en France, un marché de fragrances"*. Natacha Dzikowski, directrice de l'image de Sephora depuis 2007, a été nommée il y a un an pour donner un coup de jeune à l'enseigne.

Dans l'interview qu'elle a accordé à l'Express Styles, un certain nombre d'éléments retiennent l'attention
- Le marché est-il schizophrène ? Il y a une cohabitation de deux tendances soin, les marques "scientifiques" au discours ultra-technologique et les marques naturelles : "Le marché de la beauté, aujourd'hui, est un mélange astucieux de rêve et de pragmatisme".
- La relation a la beauté est aujourd'hui directement liée à la société de l'ego roi. La démocratisation de la médecine et de la chirurgie esthétique, la vogue du développement personnel influe fortement sur l'attitude des consommateurs face à la beauté. Et aujourd'hui la beauté ne se réduit plus à la cosmétique, la nutrition en est devenue un élément central.
- Les découvertes médicales continuent d'avoir des répercussions sur l'univers de la beauté. Platinum de Lancôme, par exemple, qui pallie le manque de calcium dans la peau, est le fruit de la recherche globale sur une population de seniors qui a mis en évidence l'existence d'une dermaporose.
- Les attentes de beauté sont relativement universelles, mais la culture locale a une influence déterminante sur les rituels de beauté. C'est une évidence en Asie, où le démaquillage peut comprendre jusqu'à sept produits. La peau n'a pas non plus la même valeur symbolique : c'est une enveloppe qu'il faut débarrasser de ses impuretés en Asie, une surface que l'on peut nettoyer, poncer, faire briller aux Etats-Unis, alors qu'en Europe c'est un organe vivant auquel on ne veut pas faire de mal. Les discours des marques doivent tenir compte de ces différences.
- "Plus un marché se sophistique, plus il faut le clarifier." : Sephora importe de nouveaux usages, des innovations qui sortent du cadre culturel, et il faut user d'une pédagogie ludique (edu-tainment) pour imposer ces nouveautés.

* L'interview au complet est disponible ici :

27 janv. 2008

Développement durable : selon le WWF, le luxe peut mieux faire !

"What are you made of" demande les stars dans les publicités des montres Tag Heuer. Le WWF retourne la question à l'industrie du luxe en publiant Deeper Luxury, une étude dédiée aux marques de luxe jugée à l'aune du développement durable. Le rapport considère que ces marques ont une influence réelle sur les aspirations et les comportements des consommateurs, ce qui leur confère une responsabilité particulière.

Quelques points majeurs, simplement traduits du résumé de l'étude :

Nouveaux consommateurs du luxe - L'élite mondiale change, sa définition du succès également. La valeur statutaire du produit de luxe est toujours fondamentale, mais les attributs de ce statut change : le produit doit de plus en plus exprimer les engagements personnels de celui qui le possède. Si cette tendance est particulièrement forte en occident, les pays émergents ne sont pas en reste.

Nouveau marché du luxe - Le développement durable s'avère essentiel pour répondre aux challenges stratégiques auxquels les marques de luxe doivent faire face : démocratisation du luxe (la rareté parait difficile à préserver, mais la valeur ajoutée de la marque peut s'incarner dans des engagements sociaux et environnementaux lui offrant davantage de profondeur), risque de tensions sociales dans les pays pauvres où le luxe est vu négativement comme une menace à la cohésion sociale (le luxe peut alors gagner à démontrer sa capacité à générer du bien-être non seulement pour ses consommateurs, mais pour la communauté en général).

Le rapport établit une notation (de A à F) des 10 principaux groupes de luxe, fondé sur les informations délivrées par les marques, les médias, les ONG. La meilleure note revient à L'Oréal, et il s'agit d'un... C+. Suivent Hermès, LVMH... Globalement, il semble que les marques de luxe soient plutôt moins investies que celles des autres secteurs. Autre originalité : le WWF s'intéresse aux stars qui prêtent leur image aux marques, les appelant à s'assurer des performances sociales et environnementales des marques qu'elles défendent, ou à faire pression sur les entreprises dont elles sont porte-parole pour qu'elles fassent évoluer leur action.



Selon ce rapport, les marques de luxe doivent davantage justifier leur valeur dans un monde où les ressources se raréfient et les inégalités s'accroissent. Elles n'ont pas été à la pointe des politiques de développement durable jusqu'à présent, il est temps pour elle d'exprimer leur différence par un engagement plus ferme dans les domaines sociaux et environnementaux.

Je vous conseille vivement la lecture du rapport ici, tant pour la justesse de l'analyse des problématiques marché et consommateur que, bien entendu, pour les injonctions formulées en faveur du développement durable. La nouvelle définition du luxe proposée ne manque pas d'intérêt, puisque le luxe continue à chercher se qui fait son essence et sa légitimité dans les évolutions actuelles du marché.

Le sujet du développement durable reste à l'évidence traité par-dessus la jambe par bien des entreprises (et pas uniquement dans l'univers du luxe, même si le luxe est une bonne cible médiatique pour les ONG), tant que les conséquences en terme de business restent floues. On m'a dit que le message était difficile à faire monter au haut d'états-majors 100% quinqua et masculins, cible apparemment moins sensible aux discours sociaux et environnementaux. Pourtant j'ai eu ces derniers temps plusieurs fois des informations convergentes, des signes marquants que les impacts business commenceraient à se faire sentir : telle star qui décline l'offre d'une marque pour se consacrer à une cause humanitaire (plus juteuse en terme de retombées média !), tel soin ultra-luxe vaguement boudé par les journalistes parce que le packaging est totalement anti-écolo, etc... Si le business commence à en pâtir, les stratégies sauront se réorienter. Et avant que l'activité soit directement concernée, les marques peuvent saisir l'opportunité de faire de ces évolutions un vecteur de valeur ajoutée, de différenciation.


Qu'en pensez-vous ?

Crédit photos : Corbis / WWF - issu de LuxuryCRM

24 janv. 2008

Rachat de Yves Saint-Laurent : and the winner is... L'Oréal !

Après les rumeurs insistantes sur une fusion Clarins - Yves-Saint-Laurent, c'est finalement L'Oréal qui annonce le rachat de YSL Beauté à Gucci Group, la division luxe de PPR, pour 1.15 Milliard d'euros. L'Oréal acquiert ainsi la marque de parfums et cosmétiques Yves Saint-Laurent, et dans la corbeille de la mariée on trouve également des marques de plus petite taille : Boucheron, Stella McCartney, Oscar de la Renta, Zegna et Roger&Gallet. YSL Beauté réalise un peu plus de 600 Millions d'Euro.


C'est évidemment un très joli coup pour L'Oréal, dont la division luxe compte déjà de très belles marques, telles Lancôme, Armani, Helena Rubinstein, Cacharel, Biotherm... Le mouvement de concentration du secteur s'intensifie, et les sociétés de taille moyenne ont du souci à se faire, à moins de savoir développer une agilité qui progressivement manquera aux très grands groupes. Quant à cette acquisition en particulier, il n'est pas dit que des sociétés de cultures aussi différentes pourront aisément fusionner... Une affaire à suivre.


Lire les articles sur le sujet du Figaro ici, la Tribune ici, le JDN ici, l'Agefi ici...

Crédit photo : photo issue de L'Usine Nouvelle

23 janv. 2008

Easy cosmétique

Lait démaquillant, tonique, serum, crème, soin yeux, soin lèvres, crème nuit, masque, soins ciblés... L'hyper-segmentation classique des marques de soin vadans le sens d'une expertise de plus en plus pointue, mais aussi d'un rituel de soin de plus en plus contraignant pour les femmes.


Une enquête Euromonitor (vue dans CosmeticNews Weekly) révèle un mouvement inverse, favorable aux programmes les plus courts et les plus simples, aux produits dont les promesses très globales paraissent plus atteignables. Ainsi, des produits très spécifiques comme les toniques visage ou les anti-cellulites voient leur vente décliner sur le marché américain : les femmes évitent désormais d'ajouter une étape supplémentaire à leur rituel de beauté habituel (la fameuse "beauty routine", ou "beauty regime") qui prennent du temps et ne donnent pas nécessairement des résultats probants. D'où le succès de programme beauté en 2 étapes seulement, proné par certains dermatos : un nettoyant visage et un hydratant avec SPF suffit largement, selon la dermatologue Fran Cook-Bolden. L'hydratant Biotherm Healthy Difference ou le soin capillaire Pantene Pro-V Classic Care sont ainsi cités dans cette esprit de simplification.Cette tendance consommateur devrait rencontrer (partiellement) l'approbation des industriels en mass market où l'espace sur les étagères coûte cher, mais dans le même temps, c'est une source de valorisation de l'offre et d'extension du panier moyen qui s'amenuirait... Cruel dilemne.


Ce mouvement me parait rejoindre aussi l'engouement pour les marques bio, qui ont souvent des gammes plus courtes, moins complexes, plus accessibles. C'est en fait le résultat de la tendance "easy", qui privilégie le "zéro prise de tête". L'agence Alchimie parle ainsi d'easy adopters, cette cible pragmatique qui n'est pas fanatique de la technologie de pointe et préfère les téléphones qui servent juste à téléphoner, les week-ends tout en un, les légumes tout simples et les voitures fonctionnelles. En un mot, dans un monde complexe, rien de tel que la simplicité.

11 janv. 2008

Leçon de maquillage

Du lien, il faut créer du lien ! Le Blog Institute réunit trois leçons de maquillage offerte par Lancôme à la prolifique bloggeuse de Babillages. Une manière simple et intelligente de nouer le dialogue entre la marque-conseillère (représentée par le maquilleur) et la consommatrice-experte (alias la bloggeuse) : chaque femme s'y reconnaitra et aura envie de saisir au vol les conseils beauté prodigués par l'expert, renforçant ainsi sa confiance en la marque. Bravo !

9 janv. 2008

Le sixième P du marketing mix : PERIOD

Tous les étudiants en marketing connaissent les "4P", ces quatre caractéristiques-clés qui définissent le mix marketing : Product (le produit lui-même, contenu et contenant...), Price (son prix), Place (son circuit de distribution), Promotion (toutes les stratégiques de communication qui entourent le produit). Cette vision, certes simplifiée, a évidemment connu de très nombreuses ajustements et révisions. Récemment j'avais fait une note sur un "nouveau P", la Participation, qui intègre la nouvelle donne collaborative, l'influence directe du consommateur sur des éléments fondamentaux du produit.

Period : frapper au bon moment, c'est frapper fort.

Même si ça peut paraitre très pompeux, il m'a semblé ces derniers temps utiles d'explorer une dimension encore trop peu souvent prises comme un élément clé du mix : le temps (ou Period, pour conserver l'initiale P !). Timing du lancement, timing des animations qui ponctueront la vie du produit : dans un marché surencombré par les nouveautés, les animations, envahi par les publicités au point d'en diminuer l'efficacité individuelle, il est essentiel de toujours trouver la bonne période, le bon tempo, la juste saisonnalité, l'instant précis où le consommateur est receptif, ou bien quand la concurrence sommeille. Frapper fort au bon moment.

J'observe constamment ce phénomène sur notre marché. Jouer à contre-temps favorise la visibilité, particulièrement dans des marchés dont la saisonnalité n'est pas vraiment liée à un besoin consommateur, mais davantage à des traditions du marché. Encore récemment, les marques semblaient s'imposer de lancer leurs nouveaux parfums soit au moment des fêtes des mères ou fêtes des pères, soit en septembre pour installer leur nouveauté avant Noël, et leurs saisonniers deux mois avant l'été. En 2006, Terre d'Hermès a été lancé "hors saison", en début d'année, et cela lui a donné une visibilité extraordinaire. Trop de masculins l'ont imité en 2007, et cela ne leur a pas porté chance. Pendant quelques années, les saisonniers Emporio Armani arrivaient sur les comptoirs à la fin de l'été, début septembre, profitant d'une lisibilité beaucoup plus forte que les saisonniers des autres marques.

Autre exemple : vous aurez peut-être observé la "sur-présence" des publicités parfum dans les écrans publicitaires cette année en décembre. 2, 3, parfois 4 parfums dans un même écran pub, pendant les trois dernières semaines avant Noël ! La créativité n'étant déjà pas toujours au rendez-vous, les formats de plus en plus courts (le 10 secondes devient la règle), comment émerger dans ce contexte ? La prime revient fatalement à ceux qui ont pu investir un peu plus tôt, à ceux qui ont choisi le sponsoring télé, et apparaissent avant les émissions, donc hors des écrans publicitaires, à ceux qui complètent le dispositif par d'autres médias, à ceux qui sont plus actifs en points de vente ou bénéficient déjà par ailleurs d'une excellente notoriété. Pour les autres, c'est sans doute de l'argent dépensé en pure perte.
Aujourd'hui, toutes les marques tentent de contourner, souvent avec succès, les "saisonnalités traditionnelles" pour gagner en impact.

Il faut évidemment jouer également avec ses contraintes de timing internes : certaines marques ont tendance à lancer toutes leurs nouveautés en même temps, sans doute pour gagner en masse critique et obtenir plus facilement des animations dans la distribution, pour maximiser l'impact d'une prise de parole publicitaire etc... N'est-ce pas parfois contre-productif ? Les équipes peuvent-elles ainsi multiplier les priorités sur une période courte ? Réussir à établir le parfait échelonnement de ses lancements est une donnée trop souvent négligée : un plan marketing, ce n'est pas simplement une succession ou une accumulation des temps forts de la marque, c'est trouver le juste timing pour chaque temps fort, et le juste planning d'ensemble pour la marque.
On m'a rapporté que la marque japonaise Albion a ainsi joué il y a quelques années sur la mise en place d'une saisonnalité simple, claire, facile à suivre en interne et sur le point de vente : 6 mois "hiver" avec pour focus les lignes anti-âge, 6 mois 'été" avec pour priorité les lignes whitening. Ce n'est pas particulièrement original, c'est même assez évident au vu des saisonnalités de marché, mais cette clarté n'est pas toujours suffisamment recherchée par les marques.

5 janv. 2008

Les parfums nom de code

Trésor, J'Adore, Flower, Pleasures, Hypnôse... Le nom de baptême des grands parfums se doit d'être un mot-concept, un mot-tiroir aux évocations vastes et multiples. De quoi condenser en un mot un univers fort, distinctif, unique, profond. Mais cet exercice est très contraignant : aujourd'hui, trouver un nom suffisamment international pour être compris par tous, qui n'ait aucune connotation négative ou contre-productive, et surtout libre (c'est-à-dire non déposé) dans tous les pays, voilà un challenge qui parait souvent insurmontable. Avoir dans ses archives un tel nom, encore déposé et disponible, constitue souvent une richesse forte pour une entreprise, et dans le contexte actuel il n'est pas rare de voir revenir d'anciens noms (Rumeur de Lanvin...), ou qu'une société rachète un tel nom à une autre... Les sociétés préfèrent également utiliser plus directement le nom de la marque, le prénom ou le nom du créateur, qui permet également de limiter les contraintes légales mais aussi de réaffirmer la marque et de bâtir sa notoriété (Nina de Nina Ricci, Terre d'Hermès, Dior Homme...).

Osmoz identifie justement une tendance renouvellée aux "parfums-nom de code", où une lettre ou un chiffre (M7, Gucci II) fait office de nom. Certes, dans ce cas, le principe du dépôt de nom est plus souple. Mais bien heureusement ce n'est pas qu'une question légale : une lettre ou un chiffre peut tout à fait offrir un nom chargé de mystère et ouvrir à de multiples interprétations. Après tout, avec les illustres n°5, Y de Saint-Laurent ou Ô de Lancôme, la voie est déjà tracée !

Récemment, on a ainsi assisté à plusieurs lancements fondés sur une seule lettre : le b revisité par Agnès B, D de Diane de Furstenberg, F! de Fragonard, F de Ferragamo, L de Lolita Lempicka, L de Lamb Gwen Stefani, M de Mariah Carey, S de Scherrer, TL de Ted Lapidus, V de Valentino, XX et XY de Hugo Boss, CK Man... Souvent c'est l'initiale du créateur qui renvoit aux monogrammes devenus des logotypes pour de nombreuses marques sur les étuis et flacons (double G pour Gucci Envy, CH pour Caroline Herrera...), voire inspirant la forme même des packagings (le H pour le flacon Terre d'Hermes, T pour Tommy Hilfiger...).

A relire : l'interview de Cyril Gaillard de l'agence Benefik, spécialisée dans la création de noms

Crédit photo : Boss