10 nov. 2006

Nom d'un parfum !

Dans un parfum, il y a 4 caractéristiques essentielles : un jus, un flacon, un visuel de communication et surtout... un nom ! Cyril Gaillard, de Benefik, agence spécialisée dans la création de noms de marque, a bien voulu partager avec nous sa vision du nom en parfum.

Pour vous, que doit incarner le nom d'un parfum ?
Cyril Gaillard -
Parler d’incarnation, le mot est bien choisi quand il s’agit d’un nom de parfum. Rien de plus subtil qu’une odeur, rien de plus délicat à exprimer par un simple assemblage de lettres. Le nom d’un parfum doit faire corps avec son époque, l’univers de sa marque mère et au final avec d’autres corps, ceux des hommes et des femmes qui le porteront. Le métier de parfumeur est en cela proche de celui de créateur de nom. L’un métisse les odeurs, l’autre l’alphabet. Dans les deux cas, pour trouver le nom d’un parfum, il faut avoir du nez.

Selon vous, le nom a-t-il plus d'importance que le jus, le flacon et le visuel ?
CG -
Il arrive que l’on cherche le nom avant le jus. Serait-ce à dire que le nom a plus d’importance ? Quel que soit le mix, qu’il s’agisse de celui d’un parfum ou d’un autre produit, c’est encore une fois et toujours, une question de mélange, de savant dosage. Dans le cas d’un parfum, nombres d’études montrent clairement que c’est l’habillage qui donne envie d’aller plus loin…
J’ai pour habitude de ne pas opposer le design d’un flacon et le nom du parfum. Les noms sont plus consistants que l’on ne pense. Un nom, c’est déjà de la matière, déjà l’évocation d’une forme, de couleurs. Aussi est-il nécessaire que l’ensemble soit cohérent. Que l’on commence par le nom, la forme d’un flacon ou le jus lui-même, l’essentiel est de trouver l’équilibre pour que chaque élément renforce les autres.

On a le sentiment qu'il est de plus en plus difficile de trouver un nom non déposé par une autre marque, particulièrement pour des lancements internationaux.Peut-on parler de rareté pour les noms, d'un point de vue juridique ?
CG - Bien sûr que les noms deviennent rares en particulier dans ce domaine où ils ont tant d’importance. Toutes les grandes sociétés gèrent des portefeuilles de marques non utilisées, de véritables banques de noms. Légalement on ne peut le faire que pour une durée limitée de 5 ans même si le dépôt garantit normalement une protection pour dix. Au terme des 5 premières années une autre marque qui souhaite clairement lancer un produit peut faire « tomber » la marque dans son escarcelle, le premier déposant est alors déchu de son droit sur le nom.
Reste qu’il est toujours possible d’innover et de trouver un nom jamais déposé pour la raison simple qu’un nom reflète les mouvements profonds de la société, une pointe de l’iceberg en quelque sorte. La contrainte de trouver un nom de marque à l’international complique bien sûr les recherches mais rien n’est impossible, le champs des possibles n’est pas une terre aride.

L'heure n'est pas à la créativité débridée pour les parfums : beaucoup de parfum reprennent simplement le nom d'un parfum existant (tels les flankers Pure Poison, Allure Sensuelle, Noa Perle...), reprennent le nom de la marque (L'Homme Yves Saint-Laurent, Nina pour Nina Ricci) ou un nom préexistant dans la société (Hypnôse de Lancôme qui était le nom d'un mascara…)...
CG -
C’est un phénomène général qui touche tous les secteurs. Il est plus simple d’un point de vue communication de décliner un nom déjà présent dans les esprits. D’un point de vue juridique, là encore les choses sont simplifiées d’autant qu’en règle générale les marques qui procèdent de cette façon élargissent leur gamme en y ajoutant des noms génériques. Par définition un nom générique n’appartient à personne, c'est-à-dire à tout le monde.
Les limites sont celles de toutes les stratégies qui vont à l’encontre d’un territoire de marques fertiles. L’uniformisation du paysage des noms traduit celui des produits et à terme risque d’aller à l’encontre du rôle de toutes marques, celui d’être distinctives.

Quels noms de parfum auriez-vous aimé créer ?
CG - Poison pour son audace, L’Eau D’Issey pour le jeu de mot intelligent, et Yvresse pour son impertinence et sa référence poétique : «Qu’importe le flacon pourvu…»

A quoi inciteriez-vous davantage les marques, que leur manque t-il pour créer des noms extraordinaires ?
CG -
Chaque cas est unique et s’inscrit dans l’histoire d’une société. On ne part jamais ex nihilo pour trouver un nom, c’est chaque fois un parti-pris qu’il faut assumer et défendre en terme de communication.
Néanmoins, je trouve que c’est un univers qui se prête à la poésie, aux associations surprenantes qui évoquent de nouveaux territoires. J’en ai quelques-uns en tête mais chut…

Un grand merci à Cyril de s'être prêté au jeu de l'interview.
N'oubliez pas d'aller visiter le site de Benefik.

Crédit photo : Benefik

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