6 nov. 2006

La Longue Traine (Long Tail) en cosmétique

Connaissez-vous la théorie de la « Longue Traine » ? C’est l’une des théories économiques qui suscite le plus de buzz actuellement sur Internet.

Le principe de la Longue Traîne est le suivant : le marché des biens de consommation vit aujourd’hui principalement du succès d’un petit nombre de produits à forte popularité (la partie rouge du graphique ci-contre), mais il se tourne de plus en plus vers des marchés de niche (la partie jaune du graphique, ainsi baptisé la « Longue Traîne »), grâce à la facilité de distribution d’Internet. Chacun de ces marchés de niche ne serait pas rentable isolément, mais Internet peut bousculer la donne et, en éliminant certaines contraintes physiques et en agrégeant ces marchés, les rendre attractifs.

The Long Tail : l'exemple de la musique sur Internet

Le terme « Long Tail » a été créé par Chris Anderson, rédacteur en chef de Wired. L’intégralité de l’article original est ici, traduit en français ici et Chris Anderson lui a consacré un livre et un blog. En voici le point-clé.

Prenant l’exemple du marché de la musique, Chris Anderson montre que le marché se focalise traditionnellement sur quelques hits mondiaux, mais que le futur marché réside dans l’addition de millions de marché de niche. En effet, des millions de musiques, prises isolément, n’ont a priori qu’un potentiel très limité parce qu’elles ne présentent un intérêt que pour une poignée de fans disséminés dans le monde. Dès lors, quel serait l’intérêt pour un disquaire de les avoir dans son stock ? Internet abolit ces contraintes : un même site peut offrir le téléchargement de ces musiques à tous les fans disséminés géographiquement, et qui, une fois réunis, représentent déjà un potentiel plus intéressant. Par ailleurs, ce site n’a pratiquement pas la contrainte physique du stockage, de la logistique : il peut ainsi proposer une quantité illimitée de musiques à potentiel commercial limité, et en retirer un chiffre d’affaires cumulé intéressant.

Longue traine et cosmétique

La cosmétique échappera-t-elle à cette règle ? Certainement pas.

La situation actuelle du marché est identique : aujourd’hui, les linéaires de la grande distribution ou des parfumeries sont physiquement limités et ne présentent par conséquent qu’une sélection de marques. Même si les distributeurs accordent davantage d’attention à certaines marques de niche dont ils ont l’exclusivité, instrument de différenciation entre les enseignes, ils ne peuvent démultiplier à l’infini le nombre de marques présentes, et surtout ils ne peuvent délaisser les grandes marques qui assurent l’essentiel de leur chiffre d’affaires.

Deux spécificités du marché cosmétique pourraient contrecarrer le développement d'Internet :
- contrairement à la musique ou à la video, la cosmétique et le parfum sont des produits qui nécessitent théoriquement d’être testés avant l’achat. Pourtant les grands acteurs de la VPC (Yves Rocher, Club des Créateurs de Beauté) savent qu’on peut aussi convaincre avec les mots, les images. Dès lors, le caractère virtuel de l’achat n’est plus un frein.
- deuxième frein, la clientèle de la cosmétique est plutôt féminine et plutôt plus agée que la moyenne, alors qu'Internet est réputée pour attirer davantage des hommes et des jeunes : c'était sans doute vrai, mais les études démontrent un double phénomène de féminisation et de vieillissement de l'audience d'Internet

J’ai déjà indiqué dans des précédentes notes la prééminence de la cosmétique bio sur Internet : les petites marques bio ont trouvé là un canal de communication et de distribution privilégié, quand les circuits traditionnels ne leur offre pas cette exposition. Internet ouvre aux petites marques la possibilité d’exprimer leur spécificité, de se faire connaître et de distribuer leurs produits, même si leur clientèle potentielle est restreinte. Internet réduit les obstacles à l'entrée sur le marché, réduit le ticket d'entrée des marques. Les grandes marques sont encore frileuses sur Internet : dès lors, elles laissent la voie libre à des petites marques entreprenantes, et à leurs distributeurs on-line, qui sauront tirer partie de la « longue traine ».

La longue traine sur Wikipedia
Le graphique provient de l’excellent blog de Vincent Thomé

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