14 nov. 2006

L'innovation au coeur des débats

Chaude ambiance aux dernières Rencontres du Selectif, réunissant marques et distributeurs ? C'est l'impression que j'ai eue à la lecture de l'article de Cosmétique Hebdo qui en faisait le compte-rendu [1] :
- Les distributeurs réclament davantage de vraies innovations de rupture (le patron de Nocibé lance "Inventez-nous l'i-POD de la parfumerie", celui de Marionnaud réclame "les écrans plats de la parfumerie") et moins d'innovation incrémentale, c'est-à-dire de petites nouveautés "de survie" qui animent le marché mais ne le bousculent pas vraiment.
- Les marques répliquent : "nous avons entendu beaucoup de leçons de marketing, mais j'ai envie de vous retourner le compliment : étonnez-nous avez un nouveau concept" (dixit le directeur commercial de Chanel).

Selon moi, ce qui est clair, c'est que l'univers parfum et cosmétique cherche un nouveau souffle, et qu'il devra venir et des marques (les nouveautés qui surprennent et ouvrent de nouvelles voies) et de la distribution (faire du shopping doit devenir davantage une expérience forte).

L'innovation continue : vitale pour animer le marché

Le débat en cours dans l'industrie concerne d'abord l'innovation continue, "de survie", ces lancements qui ne révolutionnent pas le marché, n'apportent pas grand chose par rapport à l'existant et créent plus de confusion que de valeur ajoutée. Pourtant, ce sont ces nouveautés qui assurent la croissance du marché. Chacun s'accorde pour dire qu'elles sont trop nombreuses, et que finalement la consommatrice serait plus à l'aise avec des classiques, des valeurs sûres qui font leur preuve et perdurent. Mais à qui la faute ?


  • Les marques accusent les distributeurs de surjouer la nouveauté, de n'accorder d'attention ((et donc de visibilité sur les points de vente) qu'aux lancements, et de réclamer même des nouveautés en exclusivité

  • Les distributeurs reprochent aux marques d'étouffer le calendrier de lancement en multipliant les petites nouveautés, de ne pas s'investir sur leurs classiques, de faire du chiffre d'affaires "artificiel" en surstockant leurs détaillants au moment des lancements sans trop de préoccuper d'aider ces détaillants à écouler ces produits auprès des clientes

En bref, il s'agit d'une responsabilité partagée : la nouveauté reste vitale pour l'ensemble des acteurs. L'innovation continue a ceci d'intéressant qu'elle reste en territoire connu : on peut sans trop de difficulté prévoir ce qu'elle va rapporter, sans risque excessif. Le problème n'est pas de savoir s'il faut de la nouveauté, mais plutôt comment la jouer, d'où l'appel à davantage d'innovation de rupture.


L'innovation de rupture : une révolution pour bousculer le marché


Chercher l'innovation de rupture, c'est vouloir la qualité plutôt que la quantité. Une nouveauté très forte, totalement différente de ce qui se fait habituellement, aurait plus de chance d'attirer les consommatrices, de créer un raz-de-marée : mieux vaut une grande innovation que mille petites.


Cette innovation, attendue comme le messie, n'est pourtant pas inatteignable : si l'on prend l'exemple du i-POD, Apple n'a pas inventé ni le baladeur, ni le mp3, mais le produit dans son ensemble (design, ergonomie etc...) transforme toute la perspective du marché, crée une mode irrésistible, traverse les générations... Pour prendre un parallèle dans l'industrie cosmétique, le Mascara Flash pour les cheveux, créé par Dior en 1997, avait créé un nouveau geste et suscité un engouement immense, quoique éphémère. C'est ce type de phénomène (si possible plus durable) qu'attendent aujourd'hui les distributeurs et qu'ambitionnent les marques. C'est aussi une manière de créer des blue oceans, des territoires nouveaux et encore peu concurrencés.


De la même manière, la distribution reste encore dans un schéma classique de parfumerie, malgré les efforts de certaines chaines (Sephora notamment) pour faire évoluer l'expérience consommateur sur le point de vente, et offrir des animations et des services différenciant. D'autres industries (mode, sport) sont plus en avance sur l'envie de faire de l'achat une expérience stimulante, un moment émotionnel fort pour le consommateur... et le faire revenir.


Cela suppose dans tous les cas une prise de risque forte, mais avec une espérance de gain également très élevée. L'industrie constate qu'à long terme le modèle actuel ne pourra pas durer : est-elle prête pour autant à en changer ?

[1] Cosmétique Hebdo, n°304, 13 novembre 2006

Crédit photo : Apple

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