17 juin 2007

La console qui rend belle au Japon

Saeki Chizu-San, sémillante sexagénaire japonaise, est l'une des grandes prêtresses des conseils beauté dans son pays, qu'elle livre à la télévision et dans les magazines spécialisés. Elle s'est associée à Konami pour développer le Dream Skincare, un logiciel de conseils de beauté sur Nintendo DS*. Cette nouveauté concilie habilement deux tendances majeures : la féminisation de la cible des jeux video, et le besoin de conseil beauté au Japon.


Premier décodage : les gamers se féminisent

Ce nouveau "jeu adulte" s'inscrit dans la veine du fameux programme d'entrainement mental du Dr Kawashima (ou brain training) qui fait un carton sur Nintendo DS. L'éditeur japonais a ciblé une clientèle plus agée, les quadragénaires et plus, rétifs aux jeux vidéos. Le programme s’est vendu à plus de 2 millions d’exemplaires au Japon en quelques semaines, avec une forte proportion de nouveaux consommateurs (joueurs n'ayant jamais joué auparavant, notamment des femmes). Aujourd'hui, plus de 10 millions de personnes à travers le monde utilisent ce logiciel de développement personnel régulièrement.

Une étude TNS démontre que, si le public traditionnel des jeux video reste stables, les éditeurs de jeu ont tout intérêt à élargir leur offre à destination de nouvelles cibles, plus âgées, plus féminines. Sur les 4 dernières années, les plus de 45 ans qui achètent des jeux vidéo pour leur usage personnel ont augmenté de 40%, les femmes joueuses de 67%, tandis que les ventes pour les hommes ont augmenté de 4 %. Une évolution à rebours de ce qui se passe dans la cosmétique, avec l'explosion des soins pour homme quand les produits pour femme restent l'essentiel du marché mais peu générateur de croissance.

L'initiative Dream Skincare est révélatrice de cette stratégie d'élargissement de cible pour Nintendo, qui va ainsi attirer des femmes, jeunes et moins jeunes, avec une offre beauté à la pointe.

Second décodage : les japonaises en quête de conseil

Comparer un magazine féminin "beauté" français et un magazine beauté japonais constitue un authentique choc culturel. Si le magazine français ressemble à n'importe quel magazine, avec un mix de brèves et d'articles de fond sur des sujets tendance, société, mode, beauté etc..., le magazine japonais ressemble plus nettement aux magazines informatiques : c'est uncatalogue de nouveauté présentées sous forme de banc d'essai avec des petits schémas et des pictogrammes expliquant l'utilisation de chaque produit et l'action de chaque ingrédient. Une vision très pragmatique mais plutôt indigeste pour une lectrice occidentale.

Culturellement, les japonaises (particulièrement les plus jeunes, qui constituent une cible majeure pour les marques cosmétiques) sont très peu intéressés par la dimension onirique des produits de beauté : elles cherchent avant tout à comprendre ce qu'est le produit, comment il fonctionne, quel résultat elles vont en tirer. Il suffit de comparer les cinq minutes que vont consacrer une conseillère beauté en Europe à orienter la cliente vers tel ou tel produit aux quarante-cinq minutes minimum que requiert le cérémonial du diagnostic de peau et de conseil indispensable à tout acte de vente en grand magasin japonais.
Elles sont donc avides de conseils, lisent ces magazines-catalogue avec attention et dévorent les sites comme @Cosme où les consommatrices viennent laisser leurs commentaires sur chaque produit vendu dans le commerce. L'achat beauté est ressenti comme plus impliquant car plus important socialement qu'en Europe (où il s'agit d'abord d'un achat plaisir), et traité avec sérieux.

Dream Skincare répond astucieusement aux besoins des consommatrices japonaises, en se calquant, y compris en terme de graphique, sur les magazines beauté qu'elles apprécient. En revanche, le principe ne sera pas évident à exporter hors d'Asie, contrairement à Brain Training, pour les raisons culturelles évoquées plus haut.

Crédit photos : Nintendo trouvé sur Akihabaranews

*Merci à Signalsurf pour m'avoir signalé l'info

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