6 mars 2007

Cobranding cosmétique

Le cobranding se définit comme l'association de deux marques distinctes dans la création d'un même produit. Ces opérations conjointes sont évidemment légion dans l'univers des biens de consommation, où l'influence des marques est décisive. La cosmétique utilise-t-elle assez la méthode ?

Les règles d'un cobranding réussi

Dans le magazine Management [1], Valérie Isabel, consultante indépendante en partenariat marketing, consacre un article aux 4 règles du cobranding réussi. L’association de deux marques sur un même produit doit répondre à 4 critères :

1 - Assembler des marques de même notoriété
Un consommateur ne s’intéressera au produit co-signé et co-siglé que s’il connaît déjà les deux noms associés. On parle de cobranding fonctionnel lorsque les deux marques, partageant leur expertise, créent ensemble un nouveau produit qu’elles commercialisent sous leur deux marques, par exemple le rasoir électrique Philips contenant de la crème hydratante Nivea, permettant à Philips de développer une expertise cosmétique quand Nivea renforce son audience masculine. On parle de cobranding conceptuel quand il s’agit uniquement d’une alliance ponctuelle sur un produit préexistant et simplement relooké, telles les sucrettes Canderel signées Karl Lagerfeld.

2 - Réunir deux partenaires aux valeurs communes dans un projet cohérent
Pour un mariage réussi, il faut que la cohérence du projet paraisse évident pour le consommateur, comme les sèche-cheveux Remington cobrandés par Dessange. Cela n’exclut pas l’alliance du signature haut de gamme et d’une marque grand public, telles les opérations Karl Lagerfeld pour H&M ou Paul Smith pour Habitat.

3 - Apporter un « plus » au consommateur
Quel bénéfice cette association apporte-t-elle au consommateur ? La Maaf s’engageait par exemple à baisser les cotisations des adhérents qui choisissaient le yaourt anti-cholestérol Fruit d’Or pro-activ. Et quand Dolce & Gabbana designe des portables Motorola ou Prada des mobiles LG, ils choisissent les modèles les plus high tech en leur conférant une touche design sans égal.

4 - Créer un avantage concurrentiel
L’idéal pour une alliance de cobranding, c’est d’ouvrir de nouveaux marchés aux deux partenaires, comme l’alliance de Nestlé aux constructeurs Krups et Magimix pour la fabrication des cafetières Nespresso.

Cobranding en cosmétique ?

La cosmétique est par principe un secteur qui cherche son inspiration dans d’autres secteurs, la mode évidemment, qui a donné naissance à des marques leaders du secteur, tout comme d'autres univers professionnels connexes à la beauté : dermatologues, makeup artists, parfumeurs-créateurs… Quel lancement ne se base pas sur l'apport d'un élément extérieur (photographe reconnu, célébrité-égérie, sculpteur participant au packaging, laboratoire de renom impliqué dans la formulation...) largement cité et commenté dans chaque élément du mix ?

Etonnamment, en revanche, le cobranding n'est pas la règle, comme si chaque marque craignait de se fondre dans l'alliance. J'ai relevé cependant plusieurs initiatives récentes, dont je ne peux malheureusement pas connaître le succès ou l'insuccès mais qui me paraissent marquantes parce qu'elles relèvent d'une association d'expertises originale.

- Christian Lacroix crée des colorations trendy pour Henkel il y a quelques années : dans l'univers de la coloration capillaire, l'expertise couleur appartient plutôt au coiffeur professionnel. L'idée de faire appel à un couturier, particulièrement connu pour son art de la couleur, sort des sentiers battus.

- Emilio Pucci habille le maquillage Guerlain : la dernière collection de maquillage Guerlain, notamment une nouvelle édition des fameuses Météorites, revêt le canevas coloré de la maison Pucci. Le groupe LVMH fait coup double avec deux marques qui lui appartiennent : Guerlain crée l'évènement avec son maquillage, et en asseoit le repositionnement "tendance", tandis que Pucci, encore assez peu connu, gagne en notoriété, et teste peut-être sa capacité d'attraction sur le segment beauté-cosmétique avant de lancer ses propres produits ?

- L'Oréal lance le palper-rouler avec Philips : fort du succès de son amincissant Perfect Slim, L'Oréal lance en grande distribution le kit Perfect Slim Pro contenant un appareil de massage signé Philips et un concentré minceur L'Oréal, pour un prix relativement élevé de 59.90 euros. En pleine vogue des "machines-beauté" (Wellbox pour le corps, appareil de dermabrasion chez Roc...), ce kit permet à L'Oréal de ne pas laisser échapper un segment porteur, avec une vraie valeur ajoutée (et les marges qui vont avec), et de bénéficier de l'expertise Philips en matière de petit électro-ménager. Comme dans le cas du partenariat cité plus haut avec Nivea, Philips tire en retour avantage d'un élargissement de son activité dans le domaine de la beauté, crédibilisé par l'Oréal, leader incontesté du secteur.

- Dior lance une crème au Chateau d'Yquem : à nouveau deux marques du groupe LVMH s'associe sur un projet commun, en l'occurence l'Or de Vie, une gamme de cosmétique extrêmement chère signée Dior, dont le principe actif est directement issu des vignes du Chateau d'Yquem, l'un des vins les plus chers au monde. Dior associe son image au summum du luxe, justifiant un positionnement ultra-luxe pour la gamme, quand Chateau d'Yquem gagne en notoriété, notamment auprès d'un public féminin, grâce aux très nombreuses retombées presse que ce lancement ne manquera pas d'occasionner.

Ces quelques exemples démontrent l'intérêt, dans un secteur exclusivement porté par l'innovation, destiné à créer sans cesse la surprise, d'associer des marques a priori éloignées dans des projets communs. Ces alliances retiennent l'attention des distributeurs, des journalistes, des consommateurs, car ils profitent de la notoriété des deux partenaires et annoncent quelque chose d'inédit, de nouveau, donc digne d'intérêt.

[1] Management - Mars 2007

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Très bon article !