Essensis : place à la beauté intérieure ?
Antoine Riboud avait pour maxime "l'innovation est une alliance entre recherche, marketing, instinct, imagination, produit et courage industriel". Danone, l'entreprise qu'il a mené au sommet, numéro un français de l'alimentaire et numéro un mondial des produits laitiers frais, démontre à nouveau sa capacité d'innovation avec le lancement d'Essensis, le premier yaourt cosmétique. La dermonutrition (cosmetofood ?), un segment porteur ?
L'Actimel de la beauté
Comme le rappelle Mark Raison dans son blog, les cultures asiatiques considèrent que l'alimentation est un acte de santé autant que de plaisir. L'industrie alimentaire japonaise propose avec succès aux consommateurs des produits alimentaires aux vertus médicales et cosmétiques parfois farfelues (guimauves au collagère pour lèvres pulpeuses…).
On ne parle pas ici de cosmétique orale, ces pilules dont Oenobiol est l'une des marques emblématiques, qui s'apparente davantage à des médicaments, sans vertu nutritive. Le lancement d'Essensis est davantage dans la veine d'Activia (ex-Bio) et surtout Actimel de Danone, deux pionniers des aliments qui "font du bien". Lancé en 1994, Actimel réalise 890 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2005 et sans doute le milliard en 2006 [1].
Essensis serait "le premier produit alimentaire courant qui nourrit la peau de l'intérieur", selon la directrice marketing de Danone. Les nutriments d'Essensis (huile de bourrache, antioxydants de thé vert, vitamine E) contribuent en effet à limiter la déperdition en eau des cellules, de l'ordre de 15% dès 6 semaines et jusqu'à 25% après 4 mois, à raison de 2 pots par jour. Soit plus d'un euro par jour d'investissement, puisque le pack de quatre unités sera vendu 2.05 euros [1]. Pour Danone, c'est le futur emblème laitier du groupe, un nouvel Actimel.
Et pour frapper les esprits, le packaging fuschia a été étudié pour rappeler les codes de l'industrie cosmétique, et, outre la version nature, des parfums gourmands sont proposés ( litchi-raisin blanc, framboise-grenade, pêche-abricot). 101 calories par pot tout de même, contre 60 calories pour un yaourt nature… Essensis est lancé en priorité en France et en Belgique, et sous forme de bouteille en Espagne et Italie afin de respecter les habitudes de consommation de ces 2 pays.
La controverse
Essensis soulève les inquiétudes du porte-parole de l'association de consommateur Que Choisir face au protocole de test de Danone (36 femmes ont testé Essensis pendant 6 mois) : « C'est dramatique. On est atterré par ce mélange des genres entre alimentation et cosmétologie. Mais en l'absence de contraintes légales sur les alicaments en France, le consommateur est obligé de faire confiance à Danone. Pour Actimel, au moins, le groupe pouvait se prévaloir de l'avis de l'Afssa – l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments – qui admettait en gros que le produit boostait légèrement les défenses immunitaires dans certains cas, notamment contre les diarrhées chez les enfants. Mais avec Essensis, on est dans l'arbitraire total : l'industriel assène mais ne fournit pas les preuves scientifiques de ses allégations. La dermonutrition est un segment très porteur, promis à un bel avenir comme en témoigne son essor fulgurant au Japon par exemple. Mais elle donne à l'alimentation une orientation qui l'éloigne de ses valeurs fondamentales. Ainsi, au-delà des promesses tenues ou non sur son épiderme, il ne faudrait pas que Madame Michu se gave d'Essensis en oubliant de manger sain, équilibré et en quantité raisonnable ».
Pour l'Expansion [1], cela est également renforcé par le fait que, s'agissant de revendications cosmétiques, la clientèle serait moins regardante que sur le volet santé. Lorsque Unilever sort une margarine contre le « mauvais » cholestérol ou que Nestlé s'attaque à l'ostéoporose et la maladie d'Alzheimer, les enjeux ne sont pas tout à fait les mêmes.
Avaler sa crème hydratante ?
A mon sens, l'initiative de Danone est l'évolution naturelle du marché de la beauté.
- Les consommateurs sont de plus en plus ouverts à des approches beauté holistiques, qui prennent en compte les problématiques beauté de manière plus globale.
- Les marques y répondent par des offres de soins globaux, comme en témoigne ces derniers temps l'essor de l'anti-âge global au détriment des gammes spécialistes, et par des communications orientées bien-être plus qu'efficacité.
- Par ailleurs, le lien entre alimentation et bien-être est évidemment réaffirmé par la vogue des alicaments, et plus spécifiquement la perception du lien soin oral/bienfait topique se renforce, ce dont profite le marché en plein essor des compléments de cosmétique orale. Cependant, les grands acteurs de la beauté sont restés timides sur ce marché, ne serait-ce que parce les règlementations, très différentes d'un pays à l'autre, ne permettent pas de véritable stratégie internationale, nécessaires pour qu'un projet soit viable dans les grands groupes.
Tous ces signaux de l'émergence d'un besoin appelaient donc une réponse de la part d'un grand groupe de l'alimentaire. Danone, par son positionnement santé/bien-être, est évidemment le mieux placé pour agir. Face à promesse d'hydratation somme toute assez basique, la publicité massive, et les animations en point de vente (tel un Beauty Bar au Printemps), devraient permettre de créer l'évènement.
[1] Source : L'Expansion
En savoir plus :
- l'article de l'Expansion sur les alicaments
- un dossier Danone sur les projets "santé" du groupe
Suivi du buzz en temps réel : tableau des blogs mentionnant Essensis sur les 30 derniers jours
Crédit photos : issues du blog X-Prime et du blog Brieuc 75
1 commentaire:
salut
merci de faire mention de mon blog. En plus, j'ai testé le yaourt pour vous : un peu pateux!
à bientôt pour de nouvelles aventures cosméto!!
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