12 déc. 2006

Parfum : SOS rêve !

« Tous les marketeurs sont des menteurs. Tant mieux car les consommateurs adorent qu’on leur raconte des histoires. » Tel est le titre du nouvel ouvrage de Seth Godin. Dans son blog, Arnaud Meunier en livre l'idée principale : "[Seth Godin] part du postulat que nous sommes tous, en tant que consommateurs, des menteurs [qui nous mentons à nous-mêmes]. A partir de là, le travail du marketing n’est donc plus la valeur ajoutée du produit, mais bel et bien l’histoire qu’il raconte. Si vous arrivez à placer votre produit dans un univers, vous arriverez à attirer les consommateurs vers vous. [...] Quand on y réfléchit on se rend compte que l’attrait des marques repose uniquement sur ce concept." Quoi de plus adapté pour vous parler de recréer le rêve en parfum ?

Ce n'est pas moi qui le dit, mais Jane Williams et Kavita Daswani du magazine ICN [1] : demandez à n'importe quel brand manager de l'industrie cosmétique les raisons de la morosité persistante du marché et il vous répondra que le parfum ne fait plus autant rêver les consommateurs. 3 raisons majeures à cette perte d'aura du parfum : la fréquence des lancements (trop, c'est trop), une perte de créativité et une shopping experience trop banale dans les points de vente.

ICN [1] propose aux marques de parfum 7 grands axes de travail pour recréer le rêve :

1 - Offrir des produits de plus grande qualité, à laquelle les consommateurs sont très attentifs
2 - Etre plus innovant, par exemple avec des parfums qui auraient des propriétés soin ou bien-être (je suis relativement sceptique sur cet exemple, je pense qu'on peut être innovant de manière plus fine qu'en créant des 2 en 1, en tout cas il est clair que l'innovation est centrale)
3 - Faire des produits plus aspirationnels, plus évocateurs, plus oniriques,"nous devons y remettre un peu de sexe, de romance et de préciosité", comme le déclare une présidente de la Fragrance Foundation [1].
4 - Prendre davantage de risques, par exemple créer au sein des grandes marques des plus petites unités dédiées à la créativité, sans la pression des chiffres
5 - Transformer le cycle de vie très court des produits en avantage, avec des éditions limitées, à la manière des collections couture
6 - Plus de théatralisation et d'exclusivité sur le point de vente
7 - Revenir aux sources de l'histoire de la marque, exploiter le patrimoine de la marque, ce qui a fait le succès de la marque à ses débuts, que chaque nouveauté incarne une facette de cette histoire

Selon moi, ces axes de progrès guident déjà très largement les stratégies les plus récentes des leaders du secteur. Aujourd'hui, même les marques qui ont le plus dérivé par le passé reviennent aujourd'hui dans le droit chemin, et s'attache à recréer la magie de la marque. Cela rejoint en effet l'idée de recréer le "vrai luxe", déjà évoqué dans une note précédente : réhausser la qualité des produits, réenchanter l'acte d'achat, faire progresser les communications et l'image de marque.

Au travers du dossier de ICN sur le sujet, j'ai trouvé particulièrement rafraîchissante la remise en cause de 3 idées reçues sur l'univers du parfum (c'est une analyse toute personnelle, elles ne sont pas exprimées comme telles dans le dossier) :
Idée reçue n°1 : "les marques de niche sont nécessairement super créatives" - bien entendu cela ne se vérifie pas forcément, et lorsqu'une grande marque se donne les moyens d'être innovantes, elle peut l'être très fortement
Idée reçue n°2 "les parfums de célébrité affadissent le marché, elles ont brisé le rêve" : en fait elles n'ont fait que profiter de l'affaiblissement des marques établies, et aujourd'hui certaines d'entre elles établissent de nouveaux modèles aspirationnels qui obligent les autres marques à se remettre en question et à évoluer
Idée reçue n°3 "les flankers sont des sous-parfums qui contribuent à la banalisation du marché" : je suis plutôt d'accord avec la remarque du directeur du Perfume Shop : "il ne faut pas confondre fragmentaton des lancements et fragmentation du marketing : une entreprise intelligente utilise la fragmentation pour contruire une marque en investissant continuellement sur une même franchise [grâce aux lancements réguliers de nouveautés parfum sous un même nom], tandis qu'une entreprise faible repart encore et toujours d'une page blanche [sans capitaliser sur les précédents lancements]".

En bref, recréer le rêve, voici un sujet devrait continuer longtemps de passionner le secteur. Nous vivons décidément une période passionnante pour l'industrie parfum et cosmétique, un vrai tournant. Nouveaux acteurs, nouvelles attitudes de consommations et nouveaux challenges : l'aventure ne fait que commencer !

[1] International Cosmetic News - n°91 - Octobre 2006

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