19 janv. 2007

Cosmétique sans frontières (?)

En cosmétique, on a toujours trop tendance à distinguer de façon nette les différents segments, parfum, maquillage, soin, voire produits capillaires, toilette... S'il est vrai que ces différents segments répondent en partie à des logiques différentes, et que toutes les marques ne peuvent se vanter d'exceller de la même manière dans chacune de ces catégories, ils sont évidemment très proches. Et surtout j'observe que la frontière entre ces différents univers est de plus en plus floue.

Première observation : la diffusion des franchises d'un segment à l'autre.
Une franchise, c'est une sous-marque, une gamme, le premier point d'identification pour le consommateur. Si une même franchise peut se permettre d'exister sur plusieurs segments, c'est donc que les consommateurs sont également prêt à accepter cette (con)fusion des genres.
Pourtant, on le sait, une légitimité chèrement acquise sur un segment n'entraine pas nécessairement le succès sur un autre : Mugler n'a pas bien performé avec sa gamme de soin Secrets d'Angel, malgré l'impressionnant succès d'Angel, tout comme les tentatives de gamme de soins pour homme chez Azzaro et Paco Rabanne, issues des parfums. Soin et parfum auraient-ils du mal à cohabiter sous un même nom ?
Le maquillage, qui emprunte le rêve à l'un et la technicité à l'autre, est sans doute plus propice à créer des ponts : Lancôme a ainsi baptisé ses derniers parfums Attraction (du nom du rouge éponyme), Hypnôse (comme le mascara du même nom), ses soins Absolue (également un rouge à lèvres...), sans toutefois créer reellement des univers communs, hormis le nom; Dior a une gamme de parfums et de rouge à lèvres baptisés Dior Addict, des soins solaires et des poudres de soleil Dior Bronze; Chanel utilise le nom Allure pour des parfums féminins, masculins, un rouge à lèvres (encore ?)... La liste est longue.
Pour atteindre la masse critique, les franchises doivent s'étendre, c'est un fait, parfois hors de leur segment d'origine. L'enjeu est de réussir à créer, malgré le grand écart inter-segments, un univers d'évocation commun, pour créer réellement un effet de gamme qui séduise consommateurs et distributeurs. Faute de quoi la notoriété du nom ne profite guère à la nouveauté, de même que l'effet nouveauté des innovations n'a pas d'effet booster sur l'existant. Il faut que l'univers ait une légitimité sur chaque segment.


Seconde observation : les produits eux-mêmes sont de moins en moins classifiables. Les asiatiques voient déjà le teint comme un segment de soin, preuve que les frontières entre les segments ne sont pas universelles. Et les gammes de soin asiatiques accueillent la plupart du temps des produits de teint qui sont partie intégrante de leur "beauty routine" et de l'efficacité du soin (comme les bases de teint notamment, qui sont plus des produits de soin que de maquillage). Aux Etats-Unis, Sephora cartonne avec sa gamme BareMinerals, des poudres aux multiples propriétés soin, également disponibles en France. Clarins intègre pour la première fois le top 10 maquillage grâce au lancement réussi de Lisse Minute, une base de teint transparente siliconée qui joue autant sur l'expertise soin de la marque que sur ses atouts maquillage. Les segments soin et teint s'inter-pénètrent.
On pourrait penser que les grandes marques bien établies dans les deux axes sont les mieux placées pour attaquer ces segments hybrides. Mais au fond, c'est une démarche plus délicate pour elles, puisqu'elle suppose d'accepter de confondre ces expertises : ce sont à l'inverse les marques, petites ou grandes, qui ont une légitimité plutôt dans l'un des deux segments qui vont avoir un intérêt presque vital à utiliser cette légitimité sur un autre segment.
Evidemment, teint et soin ne sont pas les seuls à se croiser. Par le passé, Eau Dynamisante a prouvé que l'on pouvait associer parfum et action soin, et les lancements successifs sur cle segment des eaux toniques ont souvent correctement fonctionné. Les baumes à lèvres sont glossy, les mascaras traitent le cil, les eaux parfumés tonifient, les gel douche nourrissent, on voit apparaître des gloss cheveux...

Il reste là des territoires inexplorés à exploiter, avis aux amateurs !

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